L’essai d’une nouvelle méthode pour éviter l’enfouissement des matières organiques

Un groupe de partenaires municipaux, provinciaux et industriels du Québec mettent à l’essai une méthode innovatrice pour traiter les matières résiduelles ménagères dans le but de produire un compost utilisable.

Résumé

Dans le cadre de ses engagements environnementaux, la province de Québec a établi de nouveaux objectifs en matière de réacheminement des matières résiduelles organiques afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre des décharges et de mieux utiliser les matières résiduelles. Pour relever ce défi et contribuer à la recherche de solutions, un groupe de municipalités québécoises a réalisé, en partenariat avec Investissement Québec-CRIQ et Gazon Savard inc., et grâce au soutien financier du FMV, un projet pilote visant à mettre à l’essai un système novateur de traitement mécanobiologique (TMB) qui permet de séparer les matières organiques des ordures dans une usine de traitement. Les participants ont beaucoup appris sur ce système et sur la mise à l’essai d’une telle technologie, et ont formulé des recommandations utiles à l’intention des autres municipalités qui explorent des possibilités semblables.

Contexte

Les matières organiques telles que les matières résiduelles alimentaires, de jardin et le papier représentent environ 60 % des 5,8 millions de tonnes de matières résiduelles jetées chaque année au Québec. Cette situation entraîne plusieurs défis pour les municipalités :

  • l’enfouissement de ces matières nécessite beaucoup d’espace;
  • la décomposition de ces matières engendre des émissions de GES;
  • elles ont une valeur potentielle, notamment en tant que source de matériaux recyclés et de compost.

Une nouvelle approche du tri des matières résiduelles

Dans plusieurs provinces ou territoires, la solution pour réduire la quantité de matières résiduelles organiques acheminée dans les décharges réside dans un système de collecte à trois voies impliquant l’utilisation d’un contenant distinct pour chaque type de matières résiduelles ménagères (organiques, recyclables et à enfouir).

Récemment, une technologie a été mise au point pour que les matières résiduelles organiques et les ordures soient séparées après la collecte grâce à un processus connu sous le nom de traitement mécanobiologique (TMB). Ce type de système simplifie le tri des matières résiduelles pour les ménages, car il leur permet de les diviser en fonction de deux flux seulement, l’un pour le recyclage et l’autre pour les ordures et les matières organiques.

En 2016, cette technologie était prête à être mise à l’essai puis, de 2017 à 2019, un groupe de partenaires municipaux représentant plus de 80 municipalités du Québec a accepté de participer à un projet pilote conjoint. Il s’agit des collectivités régionales suivantes :

  • la MRC de Bellechasse (population : env. 38 000 habitants);
  • la MRC de l’Érable (population : env. 23 000 habitants);
  • la MRC de l’Islet (population : env. 17 000 habitants);
  • la Régie intermunicipale de gestion intégrée des déchets Bécancour-Nicolet-Yamaska (RIGIDBNY), qui regroupe les MRC de Bécancour et de Nicolet-Yamaska (population totale : env. 44 000 habitants)
  • la Ville de Saguenay (population : env. 145 000 habitants).
Le tas de compost brun libère de la vapeur le matin
Dans une municipalité canadienne moyenne, seulement 30 à 60 % des déchets organiques
sont détournés des sites d'enfouissement

Le défi à relever

Situées dans les régions rurales du Québec, ces collectivités partagent un défi commun en matière de collecte des matières résiduelles : desservir une population relativement petite sur une grande superficie géographique. En plus de ses autres avantages, le système de traitement mécanobiologique peut permettre de relever un tel défi en réduisant les besoins de transport liés à un système traditionnel à trois voies. Le projet pilote visait à répondre aux deux questions suivantes :

  1. Dans quelle mesure le système de traitement mécanobiologique fonctionnerait-il dans une situation concrète?
  2. Le système représente-t-il une option fonctionnelle et financièrement viable pour les partenaires municipaux du projet?

Approche

Dans le cadre du projet, les partenaires ont recueilli l’équivalent de plus de 150 camions de matières résiduelles ménagères, soit un total de 1 860 tonnes, qui ont ensuite été triées à l’aide du système TMB puis traitées sur une période de six semaines afin d’en faire du compost. À des fins de comparaison, des matières résiduelles ménagères ont également été collectées au moyen d’un système à trois flux.

Résultats

Voici ce qui a été constaté dans le cadre du projet pilote :

  • Les partenaires ont recueilli l’équivalent de plus de 150 camions de matières résiduelles ménagères (un total de 1 860 tonnes), qui ont ensuite été triées à l’aide du système TMB puis traitées sur une période de six semaines pour en faire du compost.
  • Les matières organiques compostables représentaient 49 % des matières résiduelles collectées (une légère variation saisonnière a été observée).
  • Le système de traitement mécanobiologique a permis de réacheminer 89 % de ces matières organiques, dont 72 % ont été compostées.
  • Le compost produit par ce type de système est de type B[1], ce qui signifie qu’il est considéré comme du « bon compost » (une certaine quantité d’éléments traces et en corps étrangers est permise). Ce compost peut être utilisé notamment en foresterie, pour l’aménagement routier et pour la revégétalisation d’emplacements dégradés.
  • Le coût estimé du traitement des matières résiduelles ménagères par le système de traitement mécanobiologique était de 98 $/tonne, bien que ce chiffre ne tienne pas compte des revenus potentiels de la vente du compost ou d’autres éléments et qu’il puisse être très variable en fonction des coûts de la main-d’œuvre, du choix de l’emplacement et d’autres facteurs.

Le taux de réacheminent des matières organiques du projet pilote a été supérieur à celui atteint par les systèmes de collecte à trois voies, qui varie entre 30 et 60 % dans les municipalités canadiennes. La mise en œuvre de ce système pourrait donc entraîner une réduction importante de la quantité de matières résiduelles organiques acheminées dans les décharges, ce qui permettrait donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par leur transport et leur décomposition, et de prolonger la durée de vie utile d’une décharge.

Malgré les taux de réacheminement élevés obtenus grâce à cette nouvelle technologie, pour diverses raisons, aucune des municipalités participantes n’a à ce jour décidé d’aller de l’avant avec un système TMB. Cependant, les partenaires ont convenu que le fait de participer à ce projet pilote a représenté une étape importante dans leur processus de décision. Non seulement cela leur a donné l’occasion d’examiner diverses options pour le réacheminement des matières résiduelles organiques, mais cela leur a aussi permis de mieux comprendre les atouts dont ils disposent et la façon dont leur situation particulière influe sur la manière dont ils peuvent relever ce défi.

Recommandations

Même si le système de traitement mécanobiologique n’a finalement pas été adopté par les partenaires de ce projet pilote, il pourrait être une option envisageable pour d’autres municipalités à la recherche de solutions de réacheminement des matières résiduelles organiques. Voici quelques recommandations pour les municipalités qui souhaitent réaliser leur propre projet pilote :

  1. Examinez l’infrastructure dont vous disposez. Les avantages potentiels du système de traitement mécanobiologique par rapport à d’autres options de réacheminement des matières résiduelles organiques varieront en fonction de l’infrastructure existante d’une municipalité, par exemple si elle dispose déjà d’une décharge ou d’un réseau d’écocentres. Il faut en tenir compte lors de l’évaluation des systèmes de réacheminement des matières organiques. Les résultats du projet pilote n’étaient pas nécessairement applicables à la réalité du traitement des matières résiduelles des municipalités participantes : il est important de concevoir de telles études en prenant en compte les situations locales pendant tout le processus.
  2. Prévoyez une certaine souplesse. L’idéal serait d’avoir un calendrier plus long et plus souple, tant pour la phase de l’avant-projet que pour celle de sa mise en œuvre.
  3. Établissez des partenariats solides. Lorsque l’on travaille avec de nombreuses organisations, les priorités et les perspectives diffèrent souvent. Il peut donc être utile de prendre le temps de définir une vision commune et d’établir des relations dès le début d’un projet. Une option consiste à faire appel à un tiers indépendant pour garantir une approche neutre. Dans le cas où une municipalité serait intéressée par le système TMB, une économie sur les coûts pourrait être réalisée en établissant des partenariats avec les municipalités avoisinantes.
  4. Cherchez à comprendre le marché. Afin de faire des choix éclairés, les municipalités doivent procéder à une estimation détaillée des coûts, et elles doivent être prêtes à réaliser les études pertinentes, ce qui pourrait avoir une incidence sur le calendrier. Bien que le compost produit puisse constituer une source de revenus, cela dépend des réalités du marché local; il est utile de cerner des acheteurs potentiels dans le cadre du processus de recherche.
  5. Assurez-vous de vous conformer à toutes les exigences. Les nouvelles méthodes de transport et de traitement des matières résiduelles peuvent être confrontées à des obstacles réglementaires. Il est préférable de valider le projet auprès des autorités compétentes avant de le mettre en œuvre. De plus, comme la qualité et la composition des déchets ménagers sont imprévisibles et peuvent affecter le processus de traitement mécanobiologique, il serait pertinent de réaliser une étude préliminaire des flux de déchets avant de commencer le projet.

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